INTERVIEW d’un champion paralympique : GUY TISSERANT
27/09/2024
Originaire des Vosges, Guy Tisserant contracte à l’âge de huit mois la poliomyélite qui le laisse paraplégique des membres inférieurs. Hospitalisé quasiment deux ans puis scolarisé dans des établissements spécialisés, il trouve dans le sport, et plus particulièrement dans le tennis de table, une passion dévorante qui l’emmènera vers les sommets.

mener tout de front
Le parcours est pourtant ardu pour arriver au sommet. Il faut faire sans aide, sans entraîneur dédié, sans prime à la victoire. « Les choses étaient radicalement différentes dans les années 1970 et 80, pour le handisport.
« Ce n’étaient pas les mêmes moyens, ni les mêmes structures, ni le même regard sur le handicap et sa prise en charge » reconnaît le quadruple champion paralympique.
Il va lui falloir mener tout de front : une carrière professionnelle, une vie de famille et un parcours de sportif de haut niveau.
« J’ai toujours exercé une activité professionnelle à temps plein, en parallèle de ma carrière de sportif. Tous les soirs, une fois les enfants au lit, je m’entrainais avec mon épouse, elle aussi sportive au niveau national. Je jouais 20 à 30 heures par semaine », se souvient Guy Tisserant, aujourd’hui en charge des partenariats, de l’évènement et de la formation à la FFH et trésorier adjoint.
Le statut de sportif professionnel n’existe pas en handisport
Il a fallu se débrouiller parfois pour financer sa passion, quitte à faire bouger les lignes ! En 1996, afin de bénéficier du soutien et de la présence de ses proches aux Jeux paralympiques d’Atlanta, un acteur inattendu vient lui apporter son soutien.
« Je voulais faire venir mon épouse et mon fils ainé à Atlanta pour qu’ils puissent m’encourager. Mais nous n’avions pas les moyens de financer leur voyage. Il se trouve alors que l’épouse du secrétaire de mon club de tennis de table travaillait chez APICIL. Informée de mon histoire, elle a décidé d’en parler au service Action sociale du groupe. Je les ai alors rencontrés et ils ont décidé de m’aider à financer ce déplacement. J’ai donc été le premier athlète handisport, sponsorisé par APICIL. Aujourd’hui, le groupe soutient une dizaine de para-athlètes dont Damien Seguin, le premier skipper handisport à concourir sur le Vendée Globe ».
Aujourd’hui, un nombre significatif d’aides permettent aux para-athlètes de vivre de leur sport.
« Certains jeunes en progression sont toutefois encore en situation précaire. D’ailleurs, le statut de sportif professionnel n’existe pas en handisport. Mais ceux qui performent, peuvent vraiment vivre de leur sport. La prime pour une médaille d’or pour les Jeux Paralympiques est par exemple équivalente à celle des athlètes valides : 80 000 euros, et ce depuis 2004 », souligne le membre du comité directeur de la FFH.
Jeux de Paris 2024 : « je n’ai jamais vu ça ! »
Habitué des Jeux olympiques et paralympiques, Guy Tisserant reconnaît avoir vécu quelque chose d’unique cet été, lors des Jeux de Paris 2024 :
« Je n’ai jamais vu ça ! En termes de qualité d’organisation, seuls les Jeux de Londres peuvent tenir la comparaison. Mais pour moi, ce qui a été unique cet été, c’est la couverture médiatique et l’engouement populaire. Pour les Jeux paralympiques, il y avait 2,5 millions de places à vendre, il s’en est vendu 2,3 millions ! Tout le monde a joué le jeu : les bénévoles, les médias, la qualité des infrastructures, des lieux de compétitions de dingue… Moi, j’ai passé deux semaines sur place en tant que bénévole FFH*, j’étais régulièrement au club France, et la journée j’allais encourager les copains pongistes engagés dans la compétition. Et franchement, c’était énorme ! » se remémore Guy Tisserant.
La question maintenant, reconnaît le membre du comité directeur de la FFH, c’est de savoir ce que cela générera sur le long terme :
« Il faut capitaliser sur la réussite de ces Jeux et enfoncer le clou au niveau de la prise en charge des athlètes, l’attribution des ressources pour les structures permettant une pratique sportive, accessible à tous, et que le regard que la société porte sur le handicap s’ancre dans la culture et dans l’imaginaire social pour une totale inclusion ».
C’est d’ailleurs pour soutenir ces efforts que Guy Tisserant a accepté de faire partie cette année du jury du Challenge Inclusion, initié par APICIL.
« C’est ma première participation et je suis ravi de le faire avec eux et Territoria Mutuelle, afin de mettre en valeur des initiatives en faveur de l’inclusion ».
Rendez-vous le 10 décembre, à la Tour APICIL, à Lyon pour connaître le nom des lauréats.
*Fédération française handisport (FFH).